Le Palace : Un bandeau lumineux qui illumine les nuits parisiennes à partir du 1er mars 1978, symbole de la fête teinté d'une volonté de mixité sociale et d'absence de jugement sur les différences.
Le Palace : Une lumière qui vascille avec la disparition dès 1983 de son inventeur, Fabrice Emaer. Le royaume de la nuit vit déjà du mythe.
Le Palace : Une lumière qui s'éteint définitivement en 1996 pour ne plus briller que dans le souvenir de ceux qui ont vécu ses fêtes et de ceux qui ne serait-ce qu'une fois ont goûté l'esprit d'un lieu unique.
Près de trente ans après l'inauguration du rêve d'un homme, le Palace, dont le décor intérieur Art Déco est classé, se prépare une nouvelle vie comme salle de théâtre.
C'est en 1895 que la salle de celui qui s'appelle alors "l'Eden Théâtre" est inaugurée. Le 8 faubourg Montmartre est une salle de music-hall et de théâtre d'opérette.
La salle ferme pendant la Première Guerre mondiale et en 1921 Henri Varna rachète le théâtre et le confie à l'architecte Oudin qui agrandit la salle et lui donne son décor Art Déco aujourd'hui classé. Henri Varna deviendra le maître incontestable du music-hall parisien en développant un empire qui à sa mort en 1968 comprenait entre autre le Casino de Paris, les Bouffes du Nord, Mogador et le théâtre de la Renaissance...
La salle est réouverte en 1923 et prend son nom de Palace Théâtre. Varna y monte de grandes revues à plumes et paillettes parmi lesquelles Palace aux nues en 1927 et Luxe de Paris en 1928. L'affiche est prestigieuse : on y croise Mistinguett, Maurice Chevalier, Carlos Gardel. Un "proche" de Varna, Oscar Dufrenne, prend la direction de la salle à la fin des années '20. Mais en 1931 il est retrouvé assassiné dans son bureau du Palace. La salle ferme à la suite de cet énorme scandale de moeurs pour réouvrir en 1933 sous une nouvelle enseigne : l'Alcazar.
Le temps n'est plus aux coûteuses revues, et ce sont de plus simples spectacles de music-hall qui sont présentés tandis que de nouveaux talents sont produits comme Charles Trenet ou Ray Ventura et ses collégiens.
La "drôle de guerre" conduit une nouvelle fois la salle à fermer. Pendant l'occupation, Varna qui est juif se fait des plus discret et la salle est réouverte sous forme de théâtre en reprenant son nom de Palace. Le théâtre présente des pièces populaires dans lesquelles on trouve Raymond Souplex avant de promouvoir des pièces plus ambitieuses comme La Célestine en 1943 où le jeune Michel Bouquet fait ses débuts.
A la fin de la guerre, Henri Varna reprend les commandes et transforme Le Palace en salle de cinéma en 1946 se repliant sur le Casino de Paris pour les revues de music-hall. A la mort de Varna, son héritier se désintéresse de la salle du faubourg Montmartre et la ferme dès 1969.
Marie-José Weber qui avait fondé une compagnie de théâtre hébergée au Studio des Champs-Elysées souhaitait développer un projet plus ambitieux pour accueillir de façon décontractée la jeune création. En octobre 1970 elle s'accorde avec le propriétaire et à partir de 1973, elle partage la salle avec le Festival d'Automne de Michel Guy, créé l'année précedente. Le Palace connaîtra une nouvelle gloire avec Luxe, reconstitution stylisée et parodique de l'âge d'or du music-hall, conçue par Alfredo Arias.
En 1975, Marie-José Weber cède la gérance du Palace à Pierre Laville, et Michel Guy devenu ministre des Affaires Culturelles lui donne les moyens de fonder un Centre National de Création Contemporaine. Il donne au Palace sa façade actuelle noire et grenat avec cette avancée où les lettres PALACE sont dessinées au néon. En 1976, Michel Guy quitte la rue de Valois avec le remaniement ministériel et les subventions au CNCC sont réduites. La même année, la Préfecture de Police met en demeure l'administration du théâtre de refaire complètement l'installation électrique. Dos au mur et à défaut de financement, la salle ferme ses portes.
Fabrice Emaer est alors le propriétaire du Sept, rue Sainte-Anne : Salle de restaurant à l'étage et piste de danse en sous-sol. Mais depuis l'ouverture de la Main Bleue à Montreuil, une parte de sa clientèle déserte l'endroit. C'est une des raisons qui lui donne l'idée de créer à Paris un nouvel espace plus grand dédié à la fête, ouvert sur la mixité sociale et sexuelle et la diversité artistique. C'est Michel Guy qui oriente Fabrice Emaer sur le Palace. Dès sa première visite, il tombe sous le charme de cette salle et se lance dans le projet le plus fou qu'on puisse imaginer. Au matin du 1er janvier 1978, Fabrice Emaer est le nouveau maître des lieux...
Le Palace aura coûté 600.000 francs, les travaux pour en faire la salle mythique qu'il deviendra 12 millions! Mais Fabrice Emaer n'a pas de capital personnel. La société Clémençon qui assurera toute la mise en lumière du Palace l'aide à monter un pool d'entreprises qui accepte de financer les travaux chacune pour leur partie à crédit, à charge de rembourser sur les recettes de la discothèque. Fabrice souhaite ouvrir le Palace en mars pour le roder avant de profiter des manifestations liées aux présentations de Haute Couture et ainsi offrir une caisse de raisonnance planétaire à la création de son entreprise en attirant les beautiful people présents à Paris à cette occasion.
Les architectes Patrick Berger et Vincent Barré sont chargés des aménégements et travaux nécessaires à cet ambitieux projet qui doit être réalisé en deux mois : un défi! Les travaux sont partout, les ouvriers de toutes les corporations constituent une vraie fourmilière dans les 3500 m2 du Palace. Et le pari sera tenu : Le Palace ouvre ses portes le 1er mars 1978.
Le succès est immédiat et la Folie Emaer devient dès la première année un espace unique de fête et de diversité culturelle : discothèque avec Guy Cuevas aux platines et les barmans habillés par Mugler, le Palace Théâtre accueille des défilés de Mode, des avant-première de cinéma comme Grease dès 1978, des concerts où se produisent Grace Jones, Amanda Lear, les Village People et où les Doors sont reconstitués pour l'anniversaire de Jim Morrisson le temps d'une nuit, des spectacles comme ceux de Thierry Le Luron, des dîners de gala au Privilège décoré par Garouste en hommage au cirque de Moscou comme au comte et à la comtesse de Rohan-Chabot, des cocktails sont organisés pour toutes sortes d'occasion comme la reparution de Libération, des fêtes inouïes créées par Kenzo ou Lagerfeld, des bals "Sissi Impératrice" ou "le Bal de Salomé" ; Les premiers "thés géants pour les Gays" y seront même organisés... Et à partir de 1978, la nuit de la Saint-Sylvestre orchestrée en grand spectacle retransmis sur TF1 et clôturée par un feu d'artifice...
La Palace est unique et ne sera jamais égalé. "Je vends un produit snob à un public populaire et je vends un produit populaire à un public snob!" Comme le souhaitait Fabrice Emaer, la mixité est un maître mot et tous se retrouvent la nuit autour d'un seul mot d'ordre : la fête et l'éphémère. Ainsi, l'anonyme, star d'un soir, y croise Isabelle Adjani, Ursula Andress, Thierry Ardisson, Laureen Bacall, Barychnikov, Maurice Béjart, Castelbajac, Patrice Chéreau, Dani, Catherine Deneuve, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere...
Mais aussi Jean-Pierre Elkabach, Andréa Ferréol, Gérard Garouste, Annie Girardot, Jean-Paul Goude, Maurice Herzog, Mick Jagger, Zizi Jeanmaire, Billy Joel, Elton John, Kenzo, Maître Kiejman, Nastassya Kinski, Jean-Luc Lagardère, Jack Lang, Frédéric Mitterrand, Claude Montana, Yves Mourousi, Noureev...
Comme Paloma Picasso, Pierre et Gilles, Marie-France Pisier, Roman Polanski, Andrée Putman, Paco Rabanne, Line Renaud, Keith Richard, Guy et Marie-Hélène de Rotschild, Yves Saint-Laurent, Alice Sapritch, Jean-Louis Scherrer, la princesse Soraya, Rod Stewart, le Roi et la Reine de Suède, André Téchiné, John Travolta, Ungaro, Valentino, Andy Warhol...
La devise de Fabrice Emaer pour ses fêtes : champagnisez les à mort! Il s'éteint en 1983 en laissant derrière lui un mythe. Pour ceux qui ont connu le Palace des années Fabrice, rien ne sera plus comme avant. Il reste néanmoins l'esprit du lieu, l'âme de la fête, un brin de nostalgie, un soupçon de mélancolie pour l'insouciance heureuse...
"Les gens qui viennent au Palace, c'est tout le monde : Parce que je tiens beaucoup à ce que ce soit tout le monde, parce qu'on ne demande pas le curriculum vitae des gens à l'entrée d'un théâtre, et parce qu'un théâtre doit être un lieu libre. Donc le Palace est un symbole de Liberté." (Fabrice Emaer)
En 1992, Régine, l'autre reine de la Nuit achète le Palace. Jusqu'en 1996 il sera le théâtre chaque dimanche de gay tea dance célèbres dans le monde entier qui reprennent le concept du "thé géant pour les Gays" de Fabrice Emaer et qui ressuscite un moment les grandes heures du Palace et de son esprit si particulier de fête et de mixité sociale.
En 1996, le Palace ferme définitivement ses portes au coeur d'une tourmente déjà longue sur les nuisances sonores qu'il impose au voisinage... Déjà Fabrice Emaer préférait louer à l'année des chambres d'un hôtel voisin pour éviter les procédures judiciaires. Quand l'hôtel est transformé en logements sociaux par la mairie de Paris, il n'est pas procédé à une isolation phonique et les plaintes se multiplient.
Le Palace est inoubliable pour ceux qui l'ont connu, et plus rare, il est un fantasme pour ceux qui en ont entendu parlé. L'éphémère de la fête de Fabrice Emaer a laissé la place à la mémoire et aux souvenirs. Didier Lestrade lui consacre un article dans Têtu en 1999 ; Daniel Garcia publie la même année aux Editions Flammarion Les Années Palace, un titre qui sera repris en 2002 pour une double compilation chez Sony et en 2005 pour un documentaire de François Jonquet et Chantal Lasbats sur France 5 ; et des photographies sont regroupées dans un album de Jean Rouzaud et Guy Martineau aux Editions Hoëbeke : Le Palace Remember.
Depuis 10 ans, plusieurs projets de rachats ont échoué. Le coût des travaux pour procéder à une isolation phonique du théâtre étant trop important pour tenter l'aventure. Oublié, abandonné, un moment squatté par des artistes même, le Palace vient de trouver de nouveaux propriétaires.
Haziz Vardar, de nationalité belge, a racheté le Palace avec son frère, le comédien et auteur Alil Vardar. Les entrepreneurs Chantal et Francis Lemaire participent également au projet. Ils sont les fondateurs de Radio Contact, un réseau privé implanté en Belgique et en Europe de l'Est détenu pour partie par le groupe RTL. Les frères Vardar sont déjà propriétaires de deux théâtres parisiens : La Comédie République et la Grande Comédie. Le Palace va trouver une nouvelle vocation de théâtre en accueillant "des spectacles de théâtre classique, des comédies populaires et des one man shows, mais pas de concerts. Il n'y aura pas de nuisances sonores".
Son ouverture est prévue pour l'automne.
Redécouvrez les années '70 et ceux qui les ont vécues sur http://paris70.free.fr
Certaines illustrations de cette note sont tirées des pages consacrées au Palace sur ce site.
Benoit,
Un petit pour vous dire bravo !!
que en recherche sur "le Palace" je vous découvre...et je que conserve soyez en sur
votre adresse...
voilà..
Hubert
Rédigé par : hubert dupont | 26 octobre 2007 à 19:20
c'est toujours bien agreable de voir de nouvelle page web concernant le Palace.
Merci
Rédigé par : Eric | 22 novembre 2007 à 17:05