Chacune et chacun dans sa tenue "années folles", nous avons pris place à bord d'un bus TN4F mis en service à partir de 1935 à Paris. Nous connaissions tous ces bus Renault à plateforme arrière pour les avoir croisés du regard dans des films historiques... Et bien Georges a eu cette idée folle de nous faire partager un moment exceptionnel pour découvrir Paris de façon unique...
Je suis bien placé pour savoir combien Georges et Catherine se sont investi pour préparer ce week-end et faire en sorte que ça laisse à chacune et chacun d'entre nous un souvenir inoubliable. Maman et moi avons eu la chance d'être associés aux préparatifs, et c'était un plaisir de voir se concrétiser le rêve de Georges le temps de ce week-end, de percevoir sa joie face à nos sourires, sa satisfaction d'avoir gagné son pari de nous éblouir...
Merci!
Dès le 19ème siècle, on trouve des “transports en commun” par voitures hippomobiles dans Paris et en particulier sur les grands boulevards.
Mais c’est il y a un siècle, précisément le 11 juin 1906 qu’est inaugurée la première ligne motorisée de bus parisien entre Montmartre et Saint-Germain des Près. Ce premier bus peut accueillir 32 passagers et la ligne est gérée par la Compagnie Générale des Omnibus. Paris connaît alors une grande diversité dans son offre de transport. Depuis 15 ans, le tramway s’est considérablement développé avec la Compagnie des Tramways de Paris et du département de la Seine et la Compagnie des chemins de fer nogentais qui ouvre ses lignes vers la banlieue.
En parallèle, la création d’un réseau ferré parisien est le sujet de nombreuses hésitations de 1845 à 1890 opposant les partisans d’un chemin de fer souterrain et ceux des railways aériens. D’autre part s’opposent la municipalité parisienne qui souhaite la création d’un réseau ferré n’assurant que la desserte de la ville, et les compagnies de chemin de fer privées et de l’État qui rêvent déjà d’une interconnexion assurée entre les grandes gares.
C’est le 16 juillet 1900 que la première ligne, Porte de Vincennes – Porte Maillot, est inaugurée à l’occasion de l’Exposition Universelle et des Jeux Olympiques. En effet, cette première ligne permettra aux visiteurs de se rendre du centre de Paris, où se tient l’Exposition, au bois de Vincennes où se tiennent les Olympiades. C’est la Compagnie du Métro de Paris qui est chargée de l’exploitation et du développement de ce réseau.
Hector Guimard est occupé quant à lui à la création des édicules du nouveau réseau de transport dans le modern style, l’art nouveau, symbole d’un modernisme rapidement contesté, mais qui deviendra un siècle après le symbole du métro parisien avec ses balustrades, ses réverbères et ses verrières libellules.
Dès 1921, les différentes compagnies de bus et de tramways fusionnent dans la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne qui exploite alors 112 lignes de tramways et 41 lignes d’autobus. Dans le même temps, le métro se développe considérablement avec des travaux titanesques qui éventrent Paris et dès 1930, le métro passe les boulevards des fermiers généraux qui ceinturent Paris pour desservir les communes de banlieue. Le métro souterrain a pour conséquence de débarrasser les rues des rails des lignes de tramways jugées disgracieuses, et entraîne le développement des lignes d’autobus.
En 1942, la STCRP est intégrée à la CMP. Et c’est en 1949 qu’est créée la RATP, Régie Autonome des Transports Parisiens. Outre les lignes de bus et de métro, la RATP exploite la ligne de Sceaux (SNCF) dans sa partie Sud, un tronçon du futur RER B (Réseau Express Régional, le TER de Paris).
Le développement considérable de la circulation automobile dans le Paris des années ’60 oblige à inventer une garantie de circulation pour les autobus : Ce seront les premiers couloirs de bus, qui ne cesseront de se développer depuis. Ce renouveau du bus parisien va entraîner la mise en circulation de nouveaux matériels et la disparition des autobus comme celui dans lequel nous avons découvert le Paris des Années Folles...
Après la première guerre mondiale, il existe un besoin dans la société parisienne d’oublier ces années de malheur et de tristesse, d’oublier ce proche passé, les parisiennes et les parisiens éprouvent une envie irrésistible de faire la fête, nous sommes en 1920, c’est le début des Années Folles.
Au petit matin, à La Coupole à Montparnasse, les filles dansent nues sur les tables...
En effet, dès le début du 20ème siècle, une faune extraordinaire de nombreux artistes du monde entier se retrouve dans le quartier Montparnasse. Ces artistes qui constitueront ce qui sera l’École de Paris se retrouvent dans les bistrots du quartier : La Rotonde accueillait Cendrars, Modigliani et son inséparable Soutine, Foujita et Trotsky dans l’arrière-salle aux glaces entièrement recouvertes “de cent mille déclarations d’amour”.
En face, ce sont les artistes allemands qui se retrouvaient sur la grande terrasse ensoleillée du Dôme, tandis que Paul Fort, prince des poètes, tenait ses assises tous les mardis soirs à la Closerie des Lilas… Les immeubles modern style de Sauvage ou Bissot cèdent peu à peu le pas à l’Art Déco qui explose dans les années folles.
A partir de 1919, Montparnasse devient la Mecque des artistes du monde entier, rejoignant Picasso et Van Dongen, et un endroit à la mode où se précipite le “tout Paris”. C’est le temps de la métamorphose pour les anciens cafés.
Le carrefour Vavin devient le centre de gravité de la vie parisienne d’après-guerre. La Rotonde, petit bistrot d’avant-guerre, est agrandie, transformée. Elle se dote d’un grill-room et d’un restaurant au premier étage avec un orchestre de jazz. Le “zinc du père Libron” cède le pas à un établissement de luxe où les bourgeois viennent dîner pour contempler les gloires artistiques du quartier.
Le Dôme absorbe la maison voisine pour y installer un american bar décoré du cuir rouge et de sièges nickelés tandis que sa terrasse s’étale en façade. La Coupole, sous le patronage d’une voûte hémisphérique est inaugurée le 20 décembre 1927. La terrasse de son bar ouvrant sur le boulevard est un des endroits les plus courus de Paris. L’immense salle du restaurant est soutenue par 24 piliers décorés par des artistes locaux tandis qu’au sous-sol règne un dancing recouvert de laque rouge et noire orné de grands miroirs et animé par deux orchestres.
C’est le temps de l’ardeur de la fête, de l’extravagance. À tous propos, et même hors de propos on y organise des fêtes et des bals comme le “Bal Nègre” de la rue Blomet, dernier endroit à la mode.
Le spectacle se tient rue de la Gaîté, la bien nommée. Le théâtre Montparnasse régénéré, remis au goût du jour va devenir un temple de l’Art dramatique tandis que Bobino est le tremplin de la chanson populaire en accueillant Edith Piaf ou Juliette Gréco. Si Montparnasse a bien changé, La Rotonde, Le Dôme et La Coupole sont fidèles à ce “Montparnasse doré, aérien, tendu qui met en fuite les démons de la solitude” comme le définissait Léon-Paul Fargue.
Mais le spectacle se tient également au Cirque d'Hiver où on va célébrer dans la salle reconstruite les fauves et les équilibristes...
Le Cirque d’Hiver a été construit en 1852 par l’architecte de la ville de paris Jacques Hittorff.
C’est un polygone à 20 cotés. Il peut accueillir 4000 personnes à l’origine, 1650 aujourd’hui.
Il est dirigé depuis 1934 par la famille Bouglione. Achille Zavatta y fit ses débuts en 1935.
Ce site est desservi par la station de métro « Filles du Calvaire »...
A propos de fille, Suzanne Valadon de son vrai nom Marie Clémentine Valade, fille d’une blanchisseuse établie dans le quartier de Montmartre, devint acrobate dans ce cirque jusqu’à ce qu’une chute de trapèze mette fin à cette activité.
Son genre de beauté attira les artistes et elle devint leur modèle. Elle fut le modèle de Pierre Auguste Renoir, d’Edgar Degas et de bien d’autres encore comme Puvis de Chavannes...
Son genre de beauté n'attire pas qu'artistiquement le maître comme nous le conte Michel Peyramaure dans Les escaliers de Montmartre:
« Ils déjeunèrent de bonne humeur. La bouteille de champagne vide, ils attaquèrent le poulet au Bordeaux et finirent avec un vin blanc doux du Jura.
- Pardonnez moi, maître, dit elle en se levant. Je crois que je suis ivre. Il faut que je me repose sur le divan.
Elle dormit deux heures. Quand elle se réveilla, il était à son chevet, assit sur un pouf, l’air songeur.
- Maître, vous me regardiez dormir.
- Tu n’as pas dû t’en rendre compte mais je t’ai embrassée pendant que tu dormais.
Elle jeta les bras derrière sa nuque pour soulever sa tête et mieux le regarder.
- Me pardonneras-tu ? Réponds-moi, Maria. Pourquoi ne dis-tu rien ?
Parler ? Elle n’en avait nulle envie. Elle lui lia les bras autour du cou et l’attira contre sa poitrine sans qu’il fit un geste pour lui résister.
Il se mit nu ; la rejoignis sur le sofa. Comme il était trop exigu, ils basculèrent sur la carpette et firent l’amour avec une fièvre qui apportait un point d’orgue à une longue attente.
Il se retira d’elle en marmonnant :
- Ca, par exemple ! Tu étais… tu étais…
- Oui, maître, je n’ai connu aucun homme avant vous.
- Mon Dieu…mon Dieu… une vierge.
- En seriez vous fâché ? Je suis heureuse que ce soit vous le premier. Je vous dois même une confidence : j’ai triché avec mon âge. J’ai tout juste quinze ans.
Il en avait cinquante-cinq.! »
Du Cirque d'Hiver, notre escapade nous a conduit sur les Grands Boulevards, les boulevards devenus populaires, des lieux où la société parisienne dîne, va au théâtre et au spectacle depuis le 19ème siècle.
“Là est la vie !” s’exclamait Balzac à propos des Grands Boulevards. C’est en 1670 que Louis XIV décida de transformer l’ancienne enceinte de Charles V en promenade publique. Et durant tout le 19ème siècle, les Grands Boulevards sont devenus le lieu en vogue de Paris entre cafés prestigieux et nombreux théâtres qui s’y établissent : Théâtre de la Porte Saint-Martin en 1873 et Théâtre de la Renaissance en 1893 où triompha Sarah Bernhardt, parmi tant d’autres.
Et les années folles ne seront pas en reste : théâtre de boulevard parce que populaire, revues de music-hall, chansonniers et nouveaux talents. Rue du faubourg Montmartre, le Palace Théâtre fait peau neuve sous la direction de l’architecte Oudin qui lui confère une décoration typiquement Art Déco et qui abritera de grandes revues à plumes et paillettes comme Palace aux nues en 1927 et Luxe de Paris en 1928 avant d’accueillir Mistinguett, Maurice Chevalier ou Carlos Gardel et de lancer de nouveaux artistes qui feront carrière comme Ray Ventura et ses collégiens ou Charles Trenet.
Non loin de là, boulevard Poissonière, dans la nuit du 8 décembre 1932, c’est 3300 invités en smoking et robes de soirée qui se pressent pour l’inauguration d’une des plus grandes salles de Paris dans un décor hollywoodien. 3300 invités et 3500 lumières qui illuminent la façade Art Déco du Rex. Après avoir été ébloui par les feux de la façade, les invités encadrés par un bataillon de 80 ouvreurs en livrée et gants blancs s’installent dans la grande salle au décor de cinéma et au ciel scintillant d’étoiles.
Des étoiles qui s’harmonisent parfaitement à ce nouveau temple du cinéma qui affichera de nombreuses années en exclusivité les films américains. En 1957, Gary Cooper et Mylène Demongeot inaugurent un des premiers escaliers mécaniques de France au Rex. Dix ans plus tard, c’est pour un dessin animé des studios Disney, Le Livre de la Jungle, que le Rex connaît la plus longue file d’attente de son histoire : Près de 1km500. Aujourd’hui encore, le Rex accueille les avant-premières du “Disney de Noël” accompagné du spectacle la “féerie des eaux”.
Autre salle, autre spectacle!
« Soudain en face du Théâtre des Variétés, j’aperçus un profil à mon gré. Une tête puis sur le devant deux bosses, celle de la poitrine fort belle, celle du dessous surprenante. Un ventre d’oie grasse, oh sapristi la belle fille ! »
Guy de Maupassant a peut être écrit ce conte assis à une terrasse de café en face du théâtre des variétés.
Un grand écrivain ce Guy de Maupassant, et aussi un grand amateur de femmes.
Il a cependant dit : « on se lasse de tout et notamment des femmes. »
Peut-être a t'il écrit ces notes au Café de la Paix, place de l'Opéra, dont il était un habitué avec Zola.
On passe en effet des boulevards populaires à la porte du Triangle d’Or en quittant le boulevard des Italiens, boulevard des élégances jusqu’à la fin du 19ème siècle avant l’installation des banques qui se rapprochaient ainsi de la Bourse. “L’univers est là !” disait Musset.
L’Opéra d’abord, palais Garnier, temple de tous les superlatifs. C’est après l’attentat d’Orsini en sortant de la salle Le Peletier en 1858 que Napoléon III décide l’édification d’un nouvel opéra dans un lieu dégagé.
Il sera inauguré en 1875 sous la IIIème République. Charles Garnier désirait édifier un “monument à l’art, au luxe, au plaisir” ; son temple sera jugé comme la “cathédrale mondaine de la civilisation” par Théophile Gautier. Face à lui s’élève le Grand Hôtel construit pour l’Exposition Universelle de 1867 avec ses 700 chambres et son immense salon circulaire dû à l’architecte de l’opéra. Le Grand Hôtel abrite en rez-de-chaussée le Café de la Paix, haut lieu de l’élégance parisienne.
La Place de l’Opéra est un grand carrefour de circulation entre les Grands Boulevards que nous venons de quitter, les Grands Magasins du boulevard Haussmann qui se veulent populaires, et le Triangle d’Or qui commande le luxe parisien.
Un music-hall tiendra son prestige de cette implantation : l’Olympia, une des plus anciennes salles de music-hall de Paris. C’est le créateur du Rex, Jacques Haïk, qui donna à l’Olympia sa salle classée patrimoine historique en 1993 et sa façade. Les plus grandes vedettes s’y sont produites.
Bruno Coquatrix est nommé directeur en 1954 par la société de Jacques Haïk, propriétaire du fonds de commerce. C’est alors Lucienne Delyle, immortelle interprète de “mon amant de Saint-Jean”, qui accepte de remonter sur scène pour sauver les finances de l’Olympia à la demande de Bruno Coquatrix qui produit Gilbert Bécaud en vedette américaine. Quelques années plus tard, Bruno Coquatrix accueille Joséphine Baker pour son show “Me revoilà Paris”, mais cette fois c’est pour sauver les finances de la Reine de l’Exposition coloniale.
J'ai deux amours, qui sont pour Georges à ce moment de notre escapade : Paris et le Champagne, qu'il nous offre de partager une fois encore...
Georges qui nous livrera une émouvante évocation de sa maman qui n'a pas pu nous accompagner pour cette escapade : Nous empruntons maintenant la rue Royale ou ma petite mère, quand elle était jeune, venait livrer son ouvrage chez les plus grands couturiers de cette époque : Poiret, Lanvin, Chanel pour ne citer qu’eux.
La rue Royale que nous descendons jusqu'à la Concorde pour emprunter alors le bas des Champs-Elysées avant de passer entre le Petit-Palais et le Grand-Palais...
Place de l’Opéra avec le Grand Hôtel, j’ai pu évoquer l’Exposition Universelle de 1867. Deuxième Exposition Universelle après celle de 1855, elle recevra 11 millions de visiteurs et connaîtra la première grande construction à charpente métallique en France avec son Palais de l’Industrie qui rivalise avec le Crystal Palace de Londres.
Et au début de notre parcours avec la création de la première ligne de chemin de fer métropolitain, j’ai évoqué l’Exposition de 1900. Après l’Exposition commémorant le Centenaire de la Révolution française en 1889 qui dota Paris d’une “tour de 300 mètres” due à un certain monsieur Eiffel et d’un palais du Trocadéro sur la colline de Chaillot, l’Exposition Universelle de 1900 témoigne d’une nouvelle ambition.
Les réalisations d’une exposition universelle s’affranchissent pour la première fois de la catégorie du “prêt-à-démolir”. Le Grand-Palais remplace le Palais de l’Industrie. Avec le Petit-Palais placé en face, il borde une nouvelle voie triomphale reliant le Palais de l’Elysée à l’Hôtel des Invalides via le Pont Alexandre III construit pour l’occasion. Cet ensemble est un morceau de bravoure d’un nouveau goût architectural qui marie la pierre classique et la plus rassurante des floraisons décoratives avec les audaces permises par les structures métalliques.
Cette architecture du luxe industriel triomphant connaît son pendant Rive-Gauche avec la nouvelle gare d’Orléans sur le quai d’Orsay qui s’harmonise parfaitement avec les édifices d’État pourtant dus à Louis XIV et à Louis XV. En effet, l’Institut de France et l’Hôtel de la Monnaie sont bâtis Rive-Gauche, sur les quais du Vieux Paris, comme l’a si bien chanté Lucienne Delyle en 1939.
Les quais du Vieux Paris qui nous conduisent le long de la Seine vers le Champ-de-Mars...
Après l’Exposition Universelle de tous les superlatifs, celle de 1900, Paris accueille en 1925 une première Exposition des Arts Décoratifs modernes qui donnera son nom à un nouveau style : l’Art Déco. La France devient la vitrine du style, de l’élégance et du raffinement dans le quotidien avec des artistes comme les frères Jules et André Leleu, ébénistes et décorateurs, le verrier René Lalique, l’orfèvre Jean Puiforcat ou encore le ferronnier Edgar Brandt. Vitrine qui deviendra ambulante lorsque sera lancé le Paquebot Normandie.
Étrange manifestation que celle du prestige chancelant des États démocratiques alors que les deux plus imposants pavillons qui se font face aux pieds de la Tour Eiffel sont ceux des deux grands États totalitaires, l’Union soviétique et le IIIème Reich. Une exposition menacée par une agitation sociale héritée du Front Populaire qui faillit compromettre l’achèvement du chantier.
Nous avons pu apercevoir en chemin le Palais de Tokyo, crée comme musée d’Art moderne de la Ville de Paris pour l’Exposition de 1937 à l’emplacement de l’ancienne Savonnerie, manufacture de tapis royale : Gracieux édifice distribué à partir d’une colonnade de pierre blanche formant un portique autour du patio central qui se reflète dans un miroir d’eau dominé par La France, un bronze de Bourdelle.
Ce sera le même esprit qui commandera à la construction du nouveau Palais de Chaillot. L’entreprise est une véritable gageure : Afin de ménager les deniers publics, il faut remplacer l’ancien palais de Davioud tout en conservant ses structures. C’est Jacques Carlu qui remporte sur Le Corbusier le concours d’idée ouvert en 1932. L’architecte détruit les minarets et la rotonde centrale de l’ancien palais pour ouvrir le nouveau majestueusement sur le Champ-de-Mars. Le décor extérieur est d’une grande sobriété et témoigne de l’évolution de l’Art Déco. En accord avec la vocation de l’Exposition qui se proposait d’encourager la renaissance des Arts décoratifs depuis l’exposition qui leurs étaient consacrés à Paris en 1925, l’ensemble de la décoration a été confiée à 71 peintres et sculpteurs modernes représentant toutes les tendances de l’art contemporain français : Vuillard, Bonnard, Roussel, Pommier entre autre jusqu’aux inscriptions des deux pavillons de tête dues à Paul Valéry.
Et c’est grâce à cette nouvelle architecture que nous pouvons avoir cette perspective fabuleuse sur le monument symbole de Paris, la Tour Eiffel depuis l’esplanade du Trocadéro.
Une nouvelle halte qui provoquera l'impossible : Détourner l'attention des touristes venus profiter de cette perspective sur la grande dame jusqu'à lui tourner le dos pour faire crépiter les flash dans notre direction! C'est ainsi que nous nous retrouverons dans les albums souvenir de la visite à Paris de touristes du monde entier...
Dans cette partie de Paris se développe une architecture urbaine élégante et chic dans les années '30 : Bureaux, immeubles d'habitation, villas et salles de spectable nouvelles comme en témoigne encore aujourd'hui la salle Pleyel.
La salle Pleyel, inaugurée en octobre 1928, vient d’être réhabilitée et ce n’était pas un luxe car elle était devenue vétuste et de gros travaux s’imposaient...
"En effet, je me souviens, il y’a une bonne dizaine d’années, m’être rendu salle Pleyel pour récupérer des places de théâtre que j’avais réservées par téléphone dans un organisme situé au dernier étage.
Je prends donc l’ascenseur, j’appuie sur le bouton du 5eme étage et avant que le porte ne se referme, un rat s’y engouffre, oui un rat en chair et en os !!!
J’étais tout surpris, lui paraissait beaucoup moins étonné que moi. L’ascenseur commençait à monter, moi je me faisais tout petit, je craignais de lui faire du mal, lui n’était ni inquiet ni agressif, il semblait très à l’aise, j’avais même l’impression que parfois il me souriait.
Puis le dernier étage atteint, la porte s’ouvre et hop, il part en trottinant et disparaît bien vite, je ne l’ai plus vu.
Il était pourtant bien mignon ce petit rat, avec ses chaussons de danse et son tutu!"
Il faut vous dire que la salle Pleyel est aussi une école de danse.
Après cette évocation d’une salle mythique des années ’30 nous arrivons sur une avenue dont la renommée n’est pas en reste ! Perspective inventée par Le Nôtre du Palais des Tuileries à la terrasse de Saint-Germain, “les Champs” ne dépassent pas le Rond-Point au 17ème siècle. Au 18ème siècle la promenade est prolongée jusqu’à l’Étoile, puis Neuilly et ne compte que 6 maisons en 1800.
Napoléon III qui dessine de nouvelles ambitions pour la capitale de l’Empire entérina de facto la rupture entre un Paris riche et un Paris pauvre. Les opérations immobilières sur la plaine Monceau par les amis du baron Haussmann à qui sont confié les grands travaux de la capitale, nouveau quartier que l’on rejoint par l’avenue des Champs-Élysées, participe de la structuration d’une “ville de luxe” à l’Ouest de la capitale.
Du Second Empire ne subsiste que l’hôtel de la Païva, dont l’architecture contraste singulièrement avec les immeubles construits au 20ème siècle. En effet, dès les années 1900, l’avenue voit se construire plusieurs grands hôtels de luxe comme l’Élysée Palace, aujourd’hui siège de la banque HSBC, ou le Claridge, actuellement résidence hôtelière de grand luxe.
En 1913 se construit l’immeuble du parfumeur Guerlain tandis que les années ’20 voient fleurir des palais de l’Auto dont la présence de Renault et Citroën témoigne encore de nos jours.
Les années ’30 sont marquées par de grands programmes de bureaux dont le plus beau témoignage d’architecture Art Déco est l’actuelle boutique Vuitton à l’angle de l’avenue Georges V. Lui fait face la plus célèbre brasserie de la capitale, le Fouquet’s, inauguré en 1899 par Louis Fouquet. Un siècle plus tard il rejoint le groupe Lucien Barrière qui lui adjoint fin 2006 un hôtel de grand luxe.
Dans les années ’30 sont ouvertes les Arcades du Lido qui abritaient le célèbre cabaret déménagé depuis. Néanmoins elles ont conservé leurs colonnes de marbre rose et les luminaires originaux de Lalique.
On retrouve au rond-point les somptueux hôtels particuliers construits en 1844 et sauvés par le mécénat de Marcel Dassault, avant de longer les jardins des Champs-Élysées. Créés pour offrir au Roi une belle perspective, les jardins sont éclairés par Hittorff entre 1830 et 1840 conjointement au nouvel aménagement de la place de la Concorde. C’est alors que s’y installent cafés, restaurants et théâtres. De cette époque nous restent les pavillons Ledoyen et Laurent. En 1859, Alphand aménage les jardins à l’anglaise. En 1880 est construit le théâtre Marigny puis le pavillon de l’Élysée en 1898 aujourd’hui Élysée-Lenôtre. Le dernier venu des édifices date de 1931, le pavillon des Ambassadeurs, café-concert, qui deviendra plus tard l’Espace Cardin.
Les jardins nous conduisent à l’entrée des Champs-Élysées encadrée depuis la Révolution par le deuxième groupe des chevaux de Marly sculpté par Coustou tandis que le premier groupe créé par Coysevox pour l’abreuvoir de Marly sous Louis XIV marque l’entrée du jardin des Tuileries.
Place royale rompant avec la tradition des places fermées, la place Louis XV n’accueillit la statue du roi que trente ans. C’est à Jacques-Ange Gabriel, premier architecte du Roi, que l’on doit les élégantes façades inspirées de la monumentale Colonnade du Louvre. Garde-Meuble sous l’Ancien Régime, le bâtiment Est abrite l’hôtel de la Marine qui a conservé des décors et du mobilier des 18ème et 19ème siècles.
A l’Ouest de la rue Royale on trouve l’hôtel de Crillon. Construit pour recevoir les Ambassadeurs Extraordinaires, il est longtemps la propriété des comtes de Crillon avant de devenir un hôtel de luxe en 1909. C’est dans les salons du Crillon qu’est signé en 1919 l’acte fondateur de la Société des Nations, précédent infructueux de l’ONU pour préserver la Paix.
Devenue place de la Révolution, les façades héritées de Louis XV sont les témoins de l’exécution de son petit-fils avant que se mêlent à son sang ceux de Danton ou Robespierre.
Rebaptisée Concorde, Louis-Philippe désire y établir en son centre un monument qui “n’éveillât point les passions”. C’est ainsi qu’est érigée en 1836 l’obélisque de Louqsor, parfaitement neutre. L’architecte Hittorff flanque l’obélisque de deux fontaines monumentales et d’étonnantes colonnes rostrales ornées d’une proue de navire, symbole de Paris. Autour de la place se développent huit guérites ornées d’allégories des grandes villes de France. Ceinturant la place se trouvaient des fossés secs qui seront comblés en 1854 mais dont les balustrades témoignent de l’emplacement.
En retrouvant la rue Royale, on passe sur notre gauche le plus célèbre des restaurants parisiens, Maxim’s, qui comme le Fouquet’s doit son nom à la mode anglaise des années 1900.
Créé en 1893 par Maxime Gaillard, il est en effet un témoignage éclatant et unique du new style dont il a conservé les décors conçus pour son deuxième propriétaire, Eugène Cornuché, en 1899 et pour lequel Charles Christofle a créé un modèle exclusif de couverts. En 1981, au terme d’un dîner avec ses propriétaires d’alors qui étaient prêt à céder Maxim’s à une fortune d’Orient, monsieur et madame Vaudale proposent leur restaurant à Pierre Cardin qui l’achète. Il développe alors une marque Maxim’s qui contribuera à rendre accessible au plus grand nombre un peu de la magie de ce lieu unique.
C'est alors que nous suivons Lucienne Boyer "De la Madeleine à l'Opéra"... Après La Madeleine et le Trocadéro, notre bus marquera une nouvelle halte sur la plus prestigieuse des places de Paris : La Place Vendôme. Au pied de la Colonne d'Austerlitz et ceints des noms les plus illustres de la joaillerie française auxquels il ne manque finalement que celui de Malique, nous serons une nouvelle fois les improbables souvenirs de nombreux passants et peut-être même de prestigieux résidents du plus célèbre des hôtels de notre capitale, fondé par Cézar Ritz.
Après avoir retrouvé l'avenue de l'Opéra, longé le théâtre Français et traversé le Louvre, les quais de Seine nous conduisent devant un de ces grands magasins qui ont fait la réputation d'élégance de Paris...
La Samaritaine déploie la seule façade Art Déco monumentale du centre de Paris. Elle est due à Henri Sauvage et date de 1933. C’est le couronnement architectural des Grands magasins de la Samaritaine fondés par Ernest Cognacq et Marie-Louise Jay en 1900.
Depuis sa première boutique de la rue de la Monnaie, Ernest Cognacq ne cesse de s’agrandir en achetant les bâtiments voisins qui sont progressivement réaménagés ou reconstruits.
Henri Sauvage restructure la façade côté Seine du bâtiment de Frantz Jourdain construit au début des années 1900 et qui conserve sur ses autres façades demeurées intactes un exemplaire témoignage du new style.
La nouvelle Samaritaine est alors le plus grand magasin de France avec ses 48000m2 sur 10 étages dans quatre bâtiments qui sont quatre “pâtés de maison”.
Si on peut comprendre aisément certains noms de magasins sans avoir à les expliquer comme Le Bon Marché, même si dès les années ’20 c’est le grand magasin du luxe parisien comme en témoigne son pavillon de Pomone à l’Exposition de 1925, La Samaritaine tire son nom d’une pompe à eau installée sur le Pont-Neuf sous Henri IV et restaurée au 18ème siècle qui était décorée d’une représentation de la Samaritaine des Évangiles. La légende veut qu’Ernest Cognacq ait installé sa première échoppe dans une corbeille du Pont-Neuf à l’emplacement de l’ancienne pompe.
Nous entrons bientôt dans la dernière ligne droite de notre escapade en rejoignant la rue de Rivoli. Et si la Place Vendôme évoque les grands noms de la joaillerie, la rue Saint-Denis, devant laquelle nous passons, évoque autre chose... Evocation des lieux où les hommes trouvaient leur plaisir avant que la Loi Marthe Richard ne conduise à la fermetre de ces établissements surveillés par la Mondaine comme le One-Two-Two.
« le catalogue des prix d’amour ou mademoiselle Marcelle Lapompe » demeurant 69, rue Tirqueux, répertorie toutes ses spécialités parmi lesquelles : « le glougloutage du poireau » à 3.50 francs... Et franchement, Mademoiselle Lapompe, rue Tirqueux qui propose un glougloutage du poireau, ça ne s'invente pas!
Nous aurons trouvé quant à nous d'autres plaisirs de la chair en rejoingnant le ventre de Paris : Les plaisirs de la Table... Avant-dernière étape de notre escapade qui sera couronnée par une revue dont le nom nous aura été dédié ce soir-là : Bonheur!
Merci Georges et Catherine.
Quel beau souvenir et si élégamment raconté.
Merci Georges et Catherine et ... bravo Benoît.
Rédigé par : Marie C | 29 juin 2007 à 20:21
Bon travail, beaucoup de recherches et de connaissances, pour nous faire revivre tout au long de ces lignes cette journée merveilleuse qui nous a tous réunis. Des images me reviennent de lointain souvenirs aussi.
Ce fut un jour magique pour ma part empreint d'émotion. Le rêve est toujours là. Cette journée restera dans ma mémoire sous le signe de la fête de la joie. Tout avait été mis en oeuvre pour que ce W E soit inoubliable. Je n'oublierai le plaisir de voir la satisfaction de Georges devant la réussite de son projet et de constater notre joie. C'était SUPER!
Rédigé par : christiane | 08 juillet 2007 à 21:50
Bientôt 11 mois sans commentaire !
Rédigé par : Marie | 21 mai 2008 à 16:09