Lorsque sont créées les armes de la ville de Biarritz après le Second Empire, on choisit de rétablir la cité dans son histoire : La pêche à la baleine qui a marqué son enracinement, tandis que les trois coquilles Saint-Jacques symbolisent l'accueil offert aux estivants et rappellent que la cité basque se trouve sur le chemin des pélerins de Compostelle. Enfin, une étoile est cantonée pour guider les bateaux et pêcheurs sur cette côte déchirée par les rochers et malmenée par l'Océan. L'écu est soutenu par une ancre de marine qui traduit la qualité portuaire de la ville. Une devise en latin est associée : Aura, sidus mare adjuvant me (j'ai pour moi les vents, les astres et la mer).
La définition héraldique de l'écu est "d'azur à la barque montée par cinq hommes, dont deux s'apprêtent à harponner une baleine qui plonge dans les flots, le tout au naturel ; au chef d'or, à trois coquilles au naturel, celle de senestre disparaissant sous un franc canton de gueules à l'étoile d'argent".
C'est d'un sceau rond à oreillettes plaqué sur un traité conclu par Biarritz en 1351 avec les villes de Flandres que sont inspirées les armes de la ville. La légende est répétée sur les deux faces du sceau: sigillum consilii de Beiarriz (sceau du conseil de Biarritz). C'est le revers qui représente une scène de pêche à la baleine. On retrouve d'ailleurs la baleine sur les armes d'Hendaye, Guétary, Motrico et Ondarroa.
L'avers représente Saint-Martin de Tours partageant son manteau avec un pauvre. Saint-Martin est d'ailleurs le saint patron de la ville de Biarritz. Il est généralement connu pour être associé à la symbolique royale française. En effet, tandis que toutes les monarchies adoptent la pourpre pour symbole du pouvoir, héritage de Rome, la Couronne de France est habillée de bleu, couleur du demi manteau de Saint-Martin, relique d'Etat.
Les couleurs de Biarritz quant à elles sont définies en 1603 comme étant moitié noir et moitié rouge. C'est par une lettre patente donnée à Fontainebleau le 15 novembre de cette année là que le roi Henri IV octroie "aux jurats (...) élus au dit lieu de Biarritz" un "chaperon de drap moitié noir et moitié rouge pour être reconnus et discernés"...
La fin du XXème siècle et une farouche volonté municipale de donner un nouvel élan à la "Reine des plages" offrira une représentation symbolique à Biarritz. Naturellement très controversé lors de sa création, ce logotype symbolisait une station balnéaire : un accueil "à bras ouverts" de jour comme de nuit par une déesse de la mer qui dessine par ses bras l'ouverture de la ville sur l'Océan entre la pointe Saint-Martin et les rochers qui lui sont opposés avant la côte des Basques.
Bien au-delà d'un simple logotype, c'est toute une politique municipale qui a modernisé la ville, protégé son patrimoine si particulier, créé des manifestations culturelles de premier plan, et qui a fait renaître une cité balnéaire un peu désuète en la révélant comme une destination des plus courues en Europe...
Malgré ses villas abandonnées, ses casinos décrépis et ses hôtels vides, dès l'enfance j'aimais les escapades familiales à Biarritz. Il y avait là une âme un peu particulière, un style unique, un charme auquel j'étais particulièrement sensible... Et je me plaisais à rêver Biarritz aux temps de sa splendeur. C'est à Biarritz que j'ai découvert l'architecture comme un livre à taille humaine, c'est à Biarritz que j'ai découvert l'histoire du XIXème siècle... Je suis Biarritz dans ses paradoxes, dans ses excès, dans son eclectisme...
Je l'ai vue peu à peu reprendre vie, les villas être restaurées, les casinos modernisés et les hôtels se remplir à nouveau. Biarritz oubliait ainsi les mauvais jours des années 1970-1980 qui la virent partiellement bétonée, envahie de boutiques de plages et de restauration rapide. L'image de la ville était considérablement ternie et les estivans préféraient même souvent séjourner à Saint-Jean de Luz ou Hendaye. Les années 1990 s'ouvraient sur une nouvelle ère menaçante de spéculations douteuses.
L'aventure démarre avec "l'affaire du Casino Municipal". Le bâtiment initial est construit au-dessus des bains Napoléon devant la Grande Plage en 1901. Reconstruit en 1929, c'est un chef d'oeuvre d'architecture Art Déco menacé au début des années 1990 au profit d'une opération immobilière visant à lui substituer un complexe hôtelier avec vue sur mer et machines à sous intégrées. Ce projet est défendu par la municipalité RPR de Bernard Marie. L'arrivée d'une nouvelle municipalité centriste en 1991 menée par Didier Borotra va tout au contraire orchestrer une renaissance du bâtiment qui sera la première pierre d'un édifice de réhabilitation du patrimoine de la ville.
C'est ainsi qu'en 1992 la municipalité crée une Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager, préservant ainsi près de 830 habitations dont plus de 230 villas. Cette mesure est conjuguée avec une révision complète du plan d'occupation des sols et une surveillance renforcée du littoral grâce à d'importants travaux d'assainissement des eaux. Les falaises sont renforcées pour répondre aux injures de l'Océan et les programmes se succèdent pour restaurer les différents bâtiments municipaux parmi lesquels l'ancien Casino Bellevue transformé en Espace Bellevue destiné à des expositions et congrès avec une salle de 1500 places, l'ancienne gare du Midi devenue "palais des festivals", le "Javalquinto", ancienne résidence privée abritant l'office de tourisme et des congrès ou encore le Musée de la Mer qui sera entièrement rénové et modernisé.
Tandis que l'après guerre voyait les palaces biarrots transformés les uns après les autres en appartements, l'Hôtel du Palais construit à l'emplacement de la Villa du couple impérial sous le Second Empire tentait de se maintenir. Mais les importants investissements nécessaires à son maintien comme hôtel de luxe imposèrent en 1956 son rachat par la ville pour le sauver. L'hôtel sera alors entièrement rénové et le Club Impérial autour d'une piscine d'eau de mer chauffée fut créé. Les façades du "Palais" sont indissociables de celles du Bellevue ou du Casino Municipal autour de la Grande Plage. Et bien logiquement, une nouvelle campagne de modernisation et de rénovations importantes a débuté dans les années 1990 pour s'achever en 2007 par l'inauguration d'un spa qui vient compléter les services offerts par ce palace, de nouveau l'adresse la plus prestigieuse de la côte atlantique.
La Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager garantit également la conservation de nombreuses villas dans un eclectisme architectural unique qui répondait aux folies de leurs riches propriétaires. La pierre de Bidache résistante à la corrosion marine est employée dans des constructions tantôt médiévales comme "La Roche-Ronde", tantôt régionaliste comme "Haitzura" ou encore dans une fantaisie Art Nouveau due à l'architecte Gustave Huguenin : la Villa Cyrano ou Maison Labat...
Eloignés des caprices de l'Océan, au milieu de grands parcs se dressent de véritables châteaux dont l'inspiration est tout autant variée que les siècles ont produit de styles. Un de ces plus exceptionnels édifices, coincé aujourd'hui entre les maisons construites dans le lotissement de son parc est le château Boulart. Chef d'oeuvre néo-Renaissance de la fin du XIXème siècle, il sera loué par la Croix Rouge américaine en 1918 avant de devenir le pensionnat de Notre-Dame de Sion en 1920. Peu à peu le parc fut loti et depuis 1975 le château Boulart est intégré à une résidence pour personnes agées.
Face à lui, dans un parc partiellement préservé où se trouvent des plants de la Malmaison se dresse un autre de ces châteaux étonnants qui, lui, tire son inspiration du XVIIème siècle de Louis XIII avec son appareillage de briques et de pierres coiffé d'ardoises : Le château de Gramont. Ainsi Biarritz traverse les siècles et les régions par une architecture réinventée dans ses constructions des XIXème et XXème siècles...
(à suivre)
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