La campagne électorale présidentielle monopolise depuis de nombreux mois les médias et sollicite l’opinion des Français à travers la présentation qui nous en est faite.
La France est souvent brocardée pour son analyse franco-française des questions de société, économiques et d’une façon plus générale dans son rapport au monde.
Pris dans nos passions idéologiques et nos querelles intestines, nous abandonnons souvent une vision juste et éclairée des faits de société. Ainsi, pour voir les choses de plus loin, les journalistes étrangers ont-ils une vision plus juste de notre propre réalité. Il n’y a pas de réserve ou de pudeur : Ils présentent les analyses telles qu’elles sont ressenties ou posent les interrogations telles qu’elles apparaissent.
Nicolas Sarkozy : Fear Factor
Est-il le théoricien de la rupture ou plutôt un praticien du clientélisme économique ? Est-il l’homme qui affirme, le 14 janvier 2007, "j’ai changé", ouvrant ses bras à tous les Français, ou celui qui menace : "ceux qui n’aiment pas la France ne sont pas obligés d’y rester" ?
Deux questions que se pose Sophie Pedder dans The Economist. Et elle apporte une réponse en forme d’interrogation : Le véritable Nicolas Sarkozy reste difficile à décrypter. Les motivations de ses vingt-cinq années d’activité politique semblent moins arc-boutées à une idéologie qu’à un désir manifeste d’exister dans la différence, qu’au besoin inapaisable de laisser son empreinte, celle d’un jeune homme, comme il l’a écrit, "prêt à tout sacrifier à son ambition". Le "petit français au sang mêlé", comme il aime à se définir, a gravi tous les échelons grâce à son intuition politique, son énergie, sa volonté… et son opportunisme insolent.
Un opportunisme que Sophie Pedder relève dans son analyse de l’évolution de cette campagne : Nicolas Sarkozy a tempéré son zèle réformiste et droitisé son discours pendant cette campagne.
Dans l’Europe entière, on évoque une campagne particulièrement démagogique. C’est d’ailleurs ainsi que Sophie Pedder termine son article sur une analyse inquiétante et déroutante, qui ne soulève qu’une chose, un grand point d’interrogation. Elle évoque sans détour le populisme de droite et de gauche, moteur de la campagne présidentielle 2007 et la surenchère de promesses électorales pour conclure par une citation de Nicolas Sarkozy : "Le mensonge durant la campagne se paie au prix de l’immobilisme durant le mandat".
Ségolène Royal : Apôtre d'une nation de victimes
Le positionnement politique de la candidate socialiste ne semble pas plus facile à décrypter de l’étranger comme en témoigne John Vinocur dans le Herald Tribune et le New York Times : Aujourd’hui, après avoir proposé à un électorat perplexe un avenir de changements indolores mais peu cohérents, l’ascension en flèche de Royal est retombée et son positionnement sur le marché des promesses a viré du transcendantal au prosaïque.
Si Nicolas Sarkozy est loué pour son atlantisme inconditionnel sagement oublié depuis janvier puisque impopulaire en France, Ségolène Royal est brocardée pour son incompétence sur la scène internationale : Après avoir effectué l’année dernière au Moyen-Orient une tournée marquée par l’amateurisme, elle s’est à peine risquée sur le terrain de la politique étrangère.
C’est bien un doute sur la compétence de la candidate socialiste qui transparaît dans cette analyse, et au-delà de la simple politique étrangère : Ses 100 propositions équivalent à une sorte de pointillisme qui n’aurait pas trouvé une main unifiante et conceptualisante. Ainsi, pour John Vinocur, la candidature Royal ne présente pas un projet de société. Et il associe à ce constat un parallèle éclairant sur la critique de compétence : Parallèlement à ce fourre-tout difficilement lisible, quand on émet des doutes sur sa compétence (problème qui ne s’est jamais posé pour Merkel, Thatcher ou Hillary Clinton), Royal écarte la question d’un haussement d’épaules en prétendant qu’elle est la cible d’un monde hostile et macho.
A l'instar de Nicolas Sarkozy pour qui, on l’a vu, la campagne a évolué vers un discours ancré très à droite, John Vinocur constate une évolution du positionnement de Ségolène Royal : La façon dont Ségolène Royal se dépeint à présent se résume souvent à une attitude de victimisation doublée d’une exaltation déplacée. La seule nouveauté qu’elle offre désormais est de se présenter délibérément comme le symbole victimisé d’une nation de victimes.
La conclusion de John Vinocur est sans appel : Si Ségolène Royal incarne une perspective de changement profond, c’est celle du glissement de la vision qu’a la France d’elle même vers un statut de victime, un dénominateur commun inconnu jusqu’alors dans une histoire davantage marquée par la réussite universelle que par une humiliation individuelle généralisée. Au fond, la candidature de Royal véhicule, et légitime, une notion de déclin national qui va bien au-delà des vraies difficultés françaises et minimise la réelle capacité du pays à remonter la pente.
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